mardi 30 mars 2010

head space, odeurs, sexe, addiction

Saviez-vous que dans les parfums pour homme, afin de leur donner une note animale, on trouve de la civette, une odeur fécale? Il y a quelque chose de sale dans la sexualité et c’est justement cela, peut-être, qui donne au désir toute sa puissance. Nous aimons, au-delà du bien et du mal, des parfums mêlés de puanteur.

Rituellement, les amoureux échangent un vêtement lorsqu’ils se séparent. Un T-shirt longtemps porté, par exemple, imprégné de l’odeur bien-aimée, mélange de sueur, d’excrétions et de toutes sortes d’autres choses impalpables… Imaginez qu’il soit possible de créer un parfum qui soit exactement celui de votre amoureux(se). Vous n’auriez alors plus à porter un T-shirt, mais directement son odeur sur votre peau, afin de vous sentir unis à nouveau… Pour Hervé Mathieu, dirigeant de la société Fragrance Forward, c’est possible. "On utilise pour cela une technologie nommée le Head Space, inventée dans les années 70 et largement utilisée depuis la fin des années 80."
"L’objet dont on veut reproduire l’odeur est placé dans un récipient de verre adapté à sa forme, pour éviter tout risque de meurtrissures. Un micro-capteur, placé à l'intérieur du récipient, absorbe pendant plusieurs heures l'air autour de celui-ci. L'échantillon ainsi obtenu est ensuite étudié par une technique qu’on appelle chromatographie en phase gazeuse pour séparer les différentes molécules les unes des autres, ainsi que par spectrographie de masse pour savoir la proportion (poids moléculaire) de chacune dans l'échantillon total. Ensuite, l’humain intervient et identifie, grâce à des bases de données et à son nez, les multiples composants des odeurs." Rien qu’une fleur peut émettre 400 molécules olfactives différentes. Imaginez ce qu’une peau humaine peut produire, surtout si l’on tient compte des activités auxquelles on s’est livré avant l’analyse… Imaginez maintenant qu’on puisse reproduire l’odeur d’une femme (d’un homme) qui vient de faire l’amour.

"Avec cette technique, les parfumeurs peuvent, virtuellement, reproduire toutes les odeurs existantes, explique Hervé Mathieu. L’odeur de corps qui ont fait l’amour est sans doute possible à capturer, si l’on nuance cela par le fait qu’il n’y a sans doute pas deux odeurs semblables au cours de toute une vie amoureuse… C’est un parfum qui va naître de la combinaison de deux odeurs très personnelles, intimes, faites de l’odeur de la peau, du sexe, de la sueur, de la salive, de l’état d’excitation, qui vont s’associer ensemble. Le parfum va aussi être différent en fonction de l’heure du jour où l’on a fait l’amour, de ce qu’on a mangé, fumé ou bu avant ou pendant, sans parler des caresses qu’on a échangées ou, bien sûr, du cycle menstruel de la femme! Les combinaisons sont donc innombrables, et sans doute uniques à chaque fois. Ce pourrait être une sorte de «carte d’identité» amoureuse, unique comme une empreinte digitale et au code changeant comme par un logiciel de chiffrage numérique."

Comme beaucoup de parfumeurs, Hervé Mathieu s’intéresse de près à cette senteur un peu bestiale qui détermine parfois les coups de foudre… ou les ruptures. Quand deux personnes ne sont pas appariées, elles évoquent souvent cette sensation désagréable des peaux qui collent la nuit. Les odeurs et les températures de peau ne sont pas forcément compatibles, ce qui fait parfois dire d'une personne qu'on "ne la sent pas". A l’inverse, lorsque deux personnes s’entendent bien… s’enivrant de la réaction chimique et olfactive de leurs étreintes, elles semblent vouloir "marquer" l’autre à la façon des chiens, se l’approprier en se frottant à elle (lui) jusqu’à ne plus parvenir à distinguer son odeur de la sienne… C’est peut-être ça l’amour, finalement? Une manière de "se sentir" chez soi, en l’autre. "J'aime cette thèse, j'y crois assez, avoue Hervé Mathieu. Une des femmes que j’ai aimé faisait 2 choses: elle me léchait la paume des mains (comme un felin lèche les plaques de sel) et elle se frottait fort les joues contre ma barbe pour que sa peau en soit rougie, voire marquée de petites taches de sang, de griffures. Personnellement j'adore découvrir sous mes ongles l'odeur du sexe, elle y reste longtemps...".

Autant de petites façons de garder l'autre par l'odeur, par l'intime. Marquer son territoire comme le font les chats? "Pourquoi pas, répond Hervé Mathieu. Je ne pense pas qu'on puisse concevoir l'amour sans vouloir, à un degré ou un autre, s'approprier l'autre. Le baiser comme une sorte de cannibalisme avorté, le toucher pour garder l'odeur de la peau de l'autre, le fouissement du nez ou du visage entre les cuisses, le parfum du vêtement, l'odeur du drap ou de l'oreiller… Après tout, on parle bien des "capteurs"…”. Hervé Mathieu crée des parfums clés en main non seulement pour les marques de luxe mais pour des architectes, de riches Emirati ou des artistes. Le site pro de sa marque s’intitule "respirer – voir – toucher". C’est dire s’il accorde au nez un rôle essentiel dans la vie. Il a en tête un projet qui devrait bientôt faire parler de lui. A suivre, donc.

Source libération.fr

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