mercredi 14 septembre 2011

nudes






Des nus, des dessins et des photographies de nus... juste des nus. Les traits des dessins sont fins, peu appuyés et minimalistes. Les figures sont représentées entières, sans aucun décor, sur des petits formats blancs. Les photographies sont, et c’est l’une des contraintes que Julien Carreyn s’impose, exclusivement en noir et blanc. D’ailleurs plutôt en gris car il préfère les sorties laser qui confèrent une matérialité particulière aux filles. Parmi ses autres astreintes, il y a aussi le fait de dessiner à l’envers, c’est-à-dire la feuille retournée, de bas en haut. Les compositions sont plus réussies et les expressions des filles plus autonomes, plus échappées... Car la difficulté du nu est d’arriver à rendre le seul corps expressif. Comme s’il devait pouvoir traduire la joie, la tristesse, la douleur, le mépris, la peur ou l’extase par sa seule position. Dans ces photographies, les visages sont ainsi dans un entre-deux un peu extatique qui ne retient pas le regard. Celui-ci dévie irrémédiablement vers cette chair qui s’avère généreuse, pleine et gourmande. L’ensemble témoigne bien de cette opposition, mais aussi de cette complétude entre un plaisir non dissimulé à représenter une fille excitante et une esthétique un peu sèche et minimale.

Mais pour se focaliser à notre époque sur le nu sans tomber dans le kitsch, le déjà-vu ou le stéréotype, Julien Carreyn se doit de rester strict, rigoureux et très précis. D’ailleurs ses références le sont. Robbe-Grillet en fait partie, avec son érotisme complexe au sein duquel les personnages ne se touchent pas. Le personnage devient alors une figurine, une poupée avec laquelle jouer. La techno minimale en est une autre, notamment Dancema- nia et Basic Channel, deux labels de Chicago que Julien Carreyn a découvert quand il était DJ dans les années 1990. Un peu comme ses dessins, réalisés au départ au kilomètre puis assemblés en séries, les morceaux de ces disques sont des propositions artistiques très ouvertes, avec des espaces aménagés pour y mixer d’autres choses. Si ses séries mélangent dessins et photographies réalisés sur plusieurs années, il inaugure aussi pour cette exposition une pratique de peintures qui sont au départ des impressions laser recouvertes d’acrylique noir. Sur une base répétitive et minimale, le travail se fait profond et "texturisé". Les coulures sont le seul point de repère. La lecture en est calme et relaxante car ce noir diffus et touffu aspire et intrigue. Julien Car- reyn les réalise avec une grande lenteur et parle à leur propos d’un effet tisane... bien qu’il y ait toujours cette part de mystère qui était très présente dans ses deux précédentes séries : La Principauté propriété privée (2008, Galerie AAA) et Ludwig (2009, Fondation Ricard).
Au final, le principe est qu’une fois les règles fixées et les contraintes apposées, place au jeu. Certains dessins font rire, certaines poses se révèlent acrobatiques, certaines situations cocasses. Comme dans un acte amoureux, on rentre dans une atmosphère, une danse, voire une transe, on s’y perd, on s’y oublie. Les bases posées per- mettent alors la démesure et l’abandon le plus total.

Texte Marie Maertens, journaliste et auteur de "L'Art du marché de l'art".
Julien Carreyn dépend de la galerie Crèvecoeur, 4 rue Jouy-Rouve 75020 paris.

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